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L'Alhambra
Inaugurée le 11 août 1866, la salle abrite d'abord le Cirque-Impérial, ex-Cirque Olympique dont l'ancienne salle avait été détruite - comme nombre de théâtres du «boulevard du crime » - par le baron Haussmann en 1862 lors de la création de la place du Château-d'Eau, aujourd'hui place de la République. Ses 5.000 places en font le plus grand cirque d'Europe. Dirigé par Bastien Franconi, descendant d'une longue lignée d'artistes de foire créateurs du Cirque-Olympique, on y présente des spectacles équestres et patriotiques. Mais leur mode étant passée, la faillite survint dès l'année suivante. Après une première tentative infructueuse de reprise par Hippolyte Hostein, ancien directeur du Châtelet, sous le nom de théâtre du Prince Impérial, la salle tombe entre les mains d'Hippolyte Cogniard, directeur des Variétés, qui l'acquiert en 1869 pour le compte de son fils Léon.
Rebaptisée théâtre du Château-d'Eau, il en prend la direction à la mort prématurée de Léon en mars 1870. Il y présente de nombreux drames, fééries et revues jusqu'en 1875 où il passe la main à Eugène Dejean. Ce dernier ne possédant pas le talent de son prédecesseur, la faillite est prononcée en 1876. L'auteur dramatique Jules Dornay s'y essaie à son tour aussitôt remplacé par une société créée par ses propres comédiens et dirigée par Ulysse Bessac. Le drame y est rejoint par l'Opéra-comique à partir de 1879 puis par l'opéra en 1881. Mais les subventions manquent et le théâtre est repris par Georges de Lagrenée en 1883.
Désormais Opéra-Populaire, on y représente un répertoire lyrique traditionnel qui ne parvient pas à attirer les foules. Après une série de directions éphémères, les "Artistes associés" de Bessac font leur retour en 1886 et y imposent avec un relatif succès le mélodrame. C'est sous le nom de théâtre de la République (la place ayant été, elle, renommée en 1879) que s'ouvre la saison 1893-94. L'auteur dramatique Alphonse Lemonnier y présente une série de drames puis accueille en 1898 avec grand succès la troupe de l'Opéra-comique pour une série de représentations à bas prix.
Successivement Opéra-Populaire et théâtre du Château-d'Eau à nouveau en 1900, Victor Silvestre, ex-directeur des Folies Dramatiques y programme des opérettes ainsi que des opéras, tout en dirigeant également les Bouffes-Parisiens. Il dépose le bilan en 1903.
En février 1904, une société constituée par l'homme d'affaires Thomas Barrasfords prend possession des lieux, misant sur la nouvelle vogue du music-hall venue d'Amérique. L’Alhambra devient immédiatement le lieu à la mode, devançant ses illustres aînés : l’Alcazar, l' Eldorado ou la Scala. On peut y applaudir de nombreuses vedettes de l'époque parmi lesquelles Yvette Guilbert, Fragson, Polin, le clown Grock, le contorsionniste et magicien Houdini, Raimu, et bien entendu Mistinguett. Le jeune Maurice Chevalier, élève du désopilant Little Tichy, y apparaît en 1907 dans la revue Alhambra 1905, imitant Fragson et Sarah Bernhardt. Chevalier se souviendra de ses débuts en chantant en 1957, à 68 ans, lors de son retour à l’Alhambra la Marche de Ménilmontant.
La salle est entièrement détruite par un incendie en 1925. Reconstruite en 1931 avec encore plus de luxe sur les plans de G. Guimpel, architecte d'avant-garde et concepteur du Palladium de Londres (la société d'exploitation, dirigée par MM. Black et Gulliver, ayant acquis les murs), le nouvel Alhambra bénéficie d'une architecture pleine d’audace pour l’époque : 2.800 places de face avec deux balcons suspendus et soutenus par des arches accrochés au toit, une scène de 400 m2, une salle de projection, ventilation, chauffage, ascenseur, etc. Décoré en « modern style » par Pellegry et Lavignac, éclairé par le maître verrier Gaétan Jeannin, ses stucs nappés à la feuille d’or impressionnent le public qui le baptisera le « temple doré » (ou « théâtre en or »). S'y donnent en alternance des spectacles de music-hall, des séances de cinéma et des représentations d'opérette. On y acclame Pola Negri, Pierre Dac, Muratore, Suzy Solidor, etc. Faillite ou mauvaise gestion, la direction anglaise baisse les bras en 1934 mais reste propriétaire des murs.
En 1935, Kurt Robitchek, un cabaretier berlinois, créateur du fameux KDK (Kabaret der Komedians) et qui fuit le nazisme, s'allie à Yves Bizos, ancien directeur de Bobino reprend la direction et présente la toute jeune Mireille ou Marianne Oswald. En mai 1936, les grandes grèves n'épargnent pas l’Alhambra. Afin d'apaiser la CGT, Jean Zay, ministre de la Culture du Front populaire, et Cassou, directeur de la toute jeune Maison de la Culture, confient la direction à Louis Aragon et Jean-Paul Le Chanois, membres éminents du PCF. Rebaptisé « Théâtre du peuple et de la République », il devient le fief de l’idéologie théâtrale socialiste et universelle. Le 14 juillet 1936, le retour d'exil de l'écrivain Romain Rolland est marqué par la représentation de son 14 Juillet, réunissant la participation de près de deux mille personnes (dont trois cents sur scène), dont Marie Bell qui chantera ce soir-là L'internationale le poing tendu. Le spectacle est radiodiffusé dans toutes les grandes villes françaises en alternance avec les discours de Léon Blum. Dans l’entrée du théâtre, une exposition d’art moderne accueille les spectateurs : Henri Matisse, Fernand Léger, Picasso, et d'autres membres de l'école post-cubiste ou de l’AEAR (Association des Écrivains et Artistes révolutionnaires). L’engouement est cependant de courte durée et en septembre 1936, la scène est à nouveau vide.
Robitchek reprend les rênes et, le 4 du même mois, propulse sur scène pour la première fois Edith Piaf, qui n'a que 19 ans. Face à la concurrence de l'Olympia et de l'A.B.C., il affiche des artistes de renom tels : Fernandel, Ray Ventura et ses Collégiens, Maurice Rostand, Fred Mella qui joue la Marche de l’Alhambra, etc. . Mais la menace nazie incite Robitchek à partir pour New York. Albert Beauvais reprend la direction en 1937. Durant l'Occupation, se succèdent Bourvil, Raymond Souplex et Jane Sourza, Georges Guétary, Lucienne Boyer, Ray Ventura, Django Reinhardt, etc. Une nouvelle revue de Mistinguett voit également le jour. Après la Libération, Beauvais tente de séduire le public avec des opérettes. Mais la formule s’essouffle et Beauvais prend en 1949 Jane Breteau et Pierre Andrieu comme associés.
Née en 1900 dans le quartier du Montparnasse et diplômée de commerce puis directrice d’école, Jane Breteau fait ses classes avec un certain succès dans le monde du cinéma parisien (le Ciné-rire des Acacias, le Chezy de Neuilly, le Rochechouart, le Lynx de la place Pigalle). Nommée directrice de l'Alhambra en 1951, elle reprend le bail de la société Bertice d’Albert Beauvais. En 1954, elle rachète les murs à la Rank Organization, société anglaise exploitant près de six cents salles et productrice de films et de spectacles dans le monde. Sa détermination et son savoir-faire redonnent à l’Alhambra ses lettres de noblesse en en faisant un cinéma-music-hall populaire et bon marché, proposant trois heures de spectacle ininterrompu. Son immense écran et sa salle de projection ultra-moderne lui permettent de projeter des films en cinémascope comme le Gaumont Palace ou le Grand Rex. Pierre Andrieu signe également un contrat d'exclusivité pour la retransmission d'émissions populaires avec la télévision naissante et la radio. Andrieu ramène bon nombre de vedettes de tous arts dont le jazzman Harry James, faisant peu à peu de l'Alhambra un nouveau temple du jazz. En 1955, après un spectacle, Pierre Andrieu quitte soudainement les lieux. Bruno Coquatrix, qui vient de reprendre le cinéma de l’Olympia pour en faire également un music-hall, le remplace à la programmation. Entre séances de cinéma et spectacles, la salle produit également le championnat du monde de catch des poids mi-lourds. Mais un an plus tard, Jane Breteau refuse de s'associer à Bruno Coquatrix dans un cartel du music-hall et c'est René Gola, jeune directeur technique et beau-frère de Georges Ulmer, qui devient directeur artistique. Il adopte alors la formule « 100% music–hall », précisant le « style Alhambra » audacieux et ouvert aux jeunes talents. Connus ou inconnus, nombre d'artistes y font leurs premiers pas ou connaissent une nouvelle carrière.
Suite à une rencontre au Balajo avec Maurice Chevalier qui rentre d'Hollywood après dix ans d’absence sur la scène française, Jane Breteau décide de monter une nouvelle revue en l'honneur de l'une des plus grandes vedettes du music-hall à la rentrée de la saison 1956-1957. Associée au producteur Jacques Canetti, directeur du cabaret des Trois Baudets, elle rebaptise sa salle Alhambra-Maurice Chevalier.
L'Alhambra devient avec Bobino et l’Olympia l’un des trois piliers incontournables du music-hall parisien à une époque où naît un conflit entre le jeune rock'n'roll et le jazz. Par sa taille exceptionnelle, il constitue également un test décisif pour les artistes : perdu sur cette scène immense, seul un véritable talent peut s'imposer. Ce sera le cas (par cinq fois) de Charles Aznavour ou encore Jacques Brel. Mais le gigantisme et la profondeur de ce « vaisseau » permet aussi de présenter des spectacles grandioses comme les Ballets africains de Senghor, etc. . Le duo Roger Pierre & Jean-Marc Thibault s’y établissent et triomphent dans la comédie musicale Les Plumes rouges. Ils composent pour l'occasion un hymne au music-hall. Henri Salvador s'y produit pour la dernière fois avant vingt ans d'interruption dans deux récitals. D'autres lui succèderont comme Pétula Clark, Poiret & Serrault... . Le jazz, de mythiques concerts et comédie musicale. Zizi Jeammaire y crée, en pleine guerre de l’O.A.S., l'un des plus grands succès de l’histoire du music-hall : l'incontournable Truc en Plumes. Raymond Devos défend les premiers soubresauts d’un adolescent de 17 ans : Johnny Hallyday.
Le répertoire classique alterne avec le rock américain, de Vince Taylor et Gene Vincent. La comedie musicale, les féeries sur glace ou les ballets américains enchantent les spectateurs. Et le jazz y résiste toujours. Mais la qualité des productions ne peut équilibrer la fiscalité importante imposée aux lieux de spectacle. De plus, la percée de la télévision dans les foyers, la multiplication des microsillons et les départs en week-end se conjuguent pour vider les salles. C’est avec Blanche Neige et les 7 nains que l’Alhambra ferme définitivement ses portes en mai 1967, à la mort soudaine de son infatiguable directrice. En 1968, Maurice Chevalier lors de son dernier récital au Théâtre des Champs-Elysées entonne un Au revoir l’Alhambra. L’Alhambra, sans doute la plus belle salle de Paris, vient grossir la liste des lieux mythiques qui disparaissent à la même époque. Démoli, le passé n'est toutefois pas totalement oublié puisque les lieux abritent aujourd'hui le siège de l'ANPE Spectacles.
En hommage au music-hall mythique, le producteur Jean-Claude Auclair, qui avait déjà réhabilité L'Européen en 1988, a choisi de baptiser Alhambra l'ancienne salle de l'Association fraternelle des cheminots français aménagée en 1920 au 21 rue Yves-Toudic (10è), à 300 mètres de l'ancien Alhambra-Maurice Chevalier. Dotée de 600 places et inaugurée en avril 2008 après deux ans de travaux cosmétiques et acoustiques, la programmation propose essentiellement des concerts et des spectacles musicaux.
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Commentaires
1COULONGE JEAN CLAUDEVendredi 17 Décembre 2010 à 21:00BONJOUR IL Y A AUSSI UN ENDROIT EN BOURGOGNE DANS L'YONNE A MIGENNES OU JOHNNY HALLYDAY A SIGNER SON PREMIER CONTRAT LE 6 AVRIL 1960. AU CABARET DE" L'ESCALE" QUE L'ON NOMME LE " PETIT OLYMPIA"'( ou tous les grands ont commencer ) BREL, FERRAT, AZNAVOUR, ETC.... VOIR LE LIVRE DE ALAIN VINCENT SUR L'HISTOIRE DU CABARET DE L'ESCALE AUX EDITIONS DE L'ARMANCON. JE SUIS LE PRESIDENT DE L'ASSOCIATION "JOHNNY HALLYDAY PREMIER CONTRAT"..( le 3 e 4 septembre 2011 ) UN GRAND RASSEMBLEMENT DES FANS DE JOHNNY A MIGENNES AVEC DEUX CONCERTS DES VINYLS.. A L'ESCALE.... SUIVEZ L'ACTUALITE SUR LE SITE DES VINYLS www.lesvinyls.comRépondre2MicoloLundi 21 Mai 2012 à 17:57Est-ce bien à l'Alhambra qu'ont eu lieu en France, en 1960, les premières représentations de la Comédie Musicale WEST SIDE STORY ?
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