• 1969 - ESPAGNE / ROYAUME-UNI / PAYS-BAS / FRANCE

    1969, Madrid, Espagne

    FrancePays-BasRoyaume-Uni SuisseMonacoBelgiqueIrlandeAllemagneSuèdeLuxembourgFinlandeRépublique fédérale socialiste de YougoslavieItaliePortugalNorvège

    La deuxième édition couleur du Concours Eurovision  de la Chanson se déroule le samedi 29 mars 1969, sur la scène du Teatro Real de Madrid. L'Autriche souhaitant marquer sa désapprobation vis-à-vis du régime politique espagnol et de son leader le général Franco refuse de prendre part au concours. Une attitude respectable si ce n'est que l'année précédente l'Autriche avait accordé deux votes à l'Espagne et en quelque sorte provoqué la tenue du concours au sein des frontières du pays. L'orientation politique du régime espagnol ne perturba pas outre mesure la compétition, même si la manifestation donna lieu au moment de la clôture à une controverse qui faillit bien remettre en jeu l'avenir du concours.

    Plusieurs participants revenaient à la compétition; en effet un quart des concurrents faisaient figure d'habitués, comme l'artiste français Romuald qui cinq ans plus tôt avait défendu les couleurs de Monaco et qui aujourd'hui se présentait pour le compte du Luxembourg. Le spectacle fut traditionnellement inauguré sur les notes du Te deum de Charpentier, mais la clôture du concours laissa place à un curieux logo envahissant l'écran. L'oeuvre, signée du célèbre peintre surréaliste espagnol Salvador Dali, donnait à voir quelques-uns des thèmes favoris de l'artiste, comme ses montres molles et une impressionnante bouche aux lèvres rouges. Alors que le public était absorbé dans la contemplation de ce chef-d'oeuvre, l'orchestre dirigé par Augusto Alguero se lança dans la reprise du succès de l'an passé, le mémorable La, la, la.

    La Yougoslavie qui avait clôturé la dernière manifestation se présentait cette année en tête du concours. Le brun et ténébreux chanteur croate Ivan, avec sa barbe en pointe et son costume noir, offrait un look quelque peu démoniaque. Durant l'interprétation de son titre, Pozdrav sviteju, l'artiste roulait exagérément des yeux et ce numéro s'avéra bien plus captivant que sa chanson elle-même. La ballade se contentait en effet d'égrener en plusieurs langues les différentes façons de dire bonjour.

    Aucun pays n'avait encore remporté deux fois de suite le Grand Prix et seuls les Suisses avaient jusqu'à présent réussi à décrocher un titre à domicile, en 1956. Aucunement intimidée par ce constat, la candidate espagnole Salomé, également connue sous le nom de Maria Rosa Marco, inscrit son nom dans le livre des records de l'Eurovision en interprétant son Vivo cantando. Salomé, accompagnée de trois danseurs, fit une entrée fracassante sur scène, revêtue d'un tailleur-pantalon une-pièce à franges bleues scintillantes. Alors que le tempo s'accélérait l'artiste commença à s'agiter en rythme tout en interprétant son titre face à un micro sur pied des plus statiques; une contradiction qui donnait à sa prestation une apparence pour le moins étrange. Sa chorégraphie évoquait les mouvements d'une des marionnettes de la série culte outre-Manche Thunderbirds !

    Parmi les autres temps forts du concours, on retiendra la participation d'un jeune Monégasque d'à peine 12 ans, Jean-Jacques, interprète d'un morceau intitulé Maman, ou encore le numéro du chanteur suédois Tommy Koerberg qui ayant accroché le pied de son micro en coulisses sera contraint de tout arracher... Mais que dire des trois choristes portugaises dont les robes de soirée traînant au sol donnaient l'impression que ces dames glissaient littéralement sur le sol ! En matière de spectacle, la palme revient à l'artiste belge Louis Neefs qui accompagne son interprétation d'une chorégraphie aussi bizarre qu'étonnante, fondée sur de brusques mouvements des bras qu'il dresse bien droit au-dessus de la tête...

    La presse irlandaise fera grand bruit autour du fait que pour la première fois un chanteur protestant défend les couleurs de l'Irlande. L'artiste Muriel Day interprète The wages of love; un titre au rythme particulièrement dynamique qui pour la première fois s'inscrit dans la tendance de l'Eurovision. L'artiste irlandaise bondissait littéralement sur scène, agitant la main qui tenait le micro. Les applaudissements du public saluèrent sa prestation et la jeune femme paraissait satisfaite de sa prestation, bien plus en tout cas que les juges. L'Irlande avec 10 votes se classa en 7è position, la pire des places jamais obtenues à ce jour par ce pays.

    Après la déception ressentie à l'issue de l'édition londonienne du concours, le Royaume-Uni avait à nouveau misé sur une des stars de la variété britannique de façon à réparer ce qui était considéré comme une erreur de jugement. Le public britannique découvrit sur les écrans de la BBC la chanteuse écossaise Lulu qui entrait en scène sur l'interprétation de Boom bang-a-bang, un titre peu évident d'un point de vue vocal. C'est en 1964, à peine âgée de 15 ans que la jeune artiste avait connu le succès avec le titre Shout, écrit par les Isley Brothers. En 1967, la chanteuse se hissait au sommet des ventes aux Etats-Unis, dans la catégorie single, en interprétant la ballade qui constituait le thème principal du film To sir with love. Juste avant de s'envoler pour Madrid Lulu épousa en grande pompe Maurice Gibb, membre du groupe Bee Gees.

    Lulu arrivait à Madrid en grande favorite, même si la chanteuse ne pouvait s'empêcher d'émettre quelques réserves quant au titre qu'elle devait interpréter. Sa préférence allait à I can't go on living without you, écrit par deux inconnus à l'époque, Elton John et Bernie Taupin; mais les téléspectateurs britanniques en décidèrent autrement ! La performance et l'interprétation de l'artiste le jour du concours furent irréprochables; son directeur musical attitré, Johnny Harris, dirigea lui-même l'orchestre et Lulu acheva sa prestation par un "olé !" retentissant qui déclencha l'hystérie du public.

    La candidate suivante, la Néerlandaise Lenny Kuhr, interprêtait De troubadour. L'artiste avait elle-même écrit les paroles de sa chanson, aidée du compositeur David Hartsema qu'elle accompagnait à la guitare; ce fut la première fois que l'on récompensait une artiste aussi complète et qu'une interprète féminine jouait d'un instrument sur scène. Sa mélodie plutôt douce et gentille était ponctuée de nombreux "li, li, li, la", ce qui n'était pas en soi d'une grande originalité !

    La prestation la plus remarquée et chargée d'émotion fut celle de la candidate française Frida Boccara. Seule sur scène, revêtue d'une longue robe de soirée noire rehaussée d'un corsage en perles dorées, la chanteuse se lança dans l'interprétation du titre Un jour, un enfant. A la différence de la version enregistrée, les paroles étaient accompagnées par une orchestration s'appuyant principalement sur les cordes et le piano pour restituer une mélodie simple et bien rythmée. La plupart des critiques et des juges s'accordèrent à voir en Frida Boccara la gagnante de la soirée; mais en réalité les choses n'allaient pas s'avérer aussi simples !

    Il semblait bien difficile pour les jurys de départager les participants. Alors que la procédure du vote touchait à sa fin, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la France et l'Espagne caracolaient en tête du classement. Le Portugal mit tout le monde à égalité en accordant deux points à l'Espagne et à la France qui rejoignaient les Pays-Bas totalisant 18 points. Le seul point donné au Royaume-Uni hissait les Britanniques à 17 points. La tension était à son comble lorsque la Finlande, seule nation à n'avoir pas encore voté, se prononça enfin; en gratifiant le Royaume-Uni d'un seul point, quatre pays se retrouvaient en tête, à égalité ! Le reste des points accordé par les Finlandais allait être réparti entre l'Irlande, l'Italie, la Suède et la Suisse. Alors que le vote prenait fin à Helsinki, le public se lança dans un tonnerre d'applaudissements qui soudain se figea en un silence étourdissant. Personne ne semblait en effet comprendre comment interpréter un tel résultat; l'animatrice de la soirée, Laurita Valenzuela, paraissait elle-même perplexe. Elle fit appel au scrutateur du concours, Clifford Brown, qui lui confirma la victoire des quatre pays. Interloquée, la présentatrice s'y reprit à deux fois avant d'annoncer le nom des quatre gagnants à un public incrédule. Jamais le Grand Prix n'avait connu un tel dénouement.

    En 1992, Clifford Brown interrogé par la BBC révéla que le résultat de l'Eurovision en avait écoeuré plus d'un, à commencer par les pays scandinaves. Les médias s'accordèrent à tourner l'évènement en ridicule et dans chaque pays cette victoire inédite fut largement condamnée. On prétendit même que le candidat norvégien Kirsti Sparboe, dernier du concours avec son titre Oj, oj, oj, sae glad, jeg skal bli, était devenu un véritable bouc émissaire dans son pays suite à sa prestation.

    Après les protestations du public et le mécontentement des médias qui suivirent l'annonce des deux résultats qui clôturaient la dernière édition du Concours Eurovision de la Chanson des années 1960, l'avenir de la manifestation ne s'annonçait pas sous les meilleurs auspices !

    En conséquence, le Grand Prix de 1970 fut boycotté par de nombreuses nations et malgré une popularité et une audience en hausse constante, l'édition qui inaugurait la nouvelle décennie aurait certainement bien du mal à être à la hauteur de ses prétentions.

    Résultats en Finale

    1er=  ESPAGNE (Vivo cantando) SALOME

    et ROYAUME-UNI (Boom bang-a-bang) LULU

    et PAYS-BAS (De troubadour) LENNY KUHR

    et FRANCE (Un jour, un enfant) FRIDA BOCCARA (18 pts)

    5è-  Suisse (Bonjour, bonjour) Paola del Medico (13 pts)

    6è-  Monaco (Maman, maman) Jean-Jacques (11 pts)

    7è=  Irlande (The wages of love) Muriel Day & The Lindsays

    et Belgique (Jennifer Jennings) Louis Neefs (10 pts)

    9è=  Suède (Judy, min vaen) Tommy Koerberg

    et Allemagne (Prima ballerina) Siw Malmkvist (8 pts)

    11è-  Luxembourg (Cathérine) Romuald (7 pts)

    12è-  Finlande (Kuin silloin ennen) Jarkko & Laura (6 pts)

    13è=  Yougoslavie (Posdrav-svijetu) Ivan

    et Italie (Duo grosse lacrime bianche) Iva Zanicchi (5 pts)

    15è-  Portugal (Desfolhada portuguesa) Simone de Oliveira (4 pts)

    16è-  Norvège (Oj, oj, oj, sae glad, jeg skal bli) Kirsti Sparboe (1 pt)

    (Le petit +)

    Lulu enregistra son hit en cinq langues. Un succès classé n°2 en Grande-Bretagne, n°3 en Suède, n°19 aux Pays-Bas et présent dans les charts de plusieurs autres pays. Frida Boccara sortira de son côté cinq version de son titre, avec l'intervention d'Agnetha Faltskog sur le single suédois. Lenny Kuhr déclinera De troubadour en six versions, se classant n°12 aux Pays-Bas et Salomé atteindra le sommet des charts espagnols, échouant malgré les sept versions de son titre à percer dans les hit-parades étrangers.

     

    14e Concours Eurovision de la chanson
    Image:ESC 1969.png
    Finale 29 mars 1969
    Présentateurs Laurita Valenzuela
    Télédiffuseur hôte TVE
    Lieu Teatro Real, Madrid
    Espagne
    Chanson gagnante Un jour, un enfant
    par FRIDA BOCCARA
    France France
    De Troubadour par LENNY KUHR
    Pays-Bas Pays-Bas
    Vivo cantando par SALOME
    Espagne
    Boom Bang-a-Bang par LULU
    Royaume-Uni Royaume-Uni
    Nombre de participants 16

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