• 12 avril 1965

    Ils ont mis le feu à nos années 60, et leur mariage a été un grand rendez-vous de la décennie. Démesuré, violent, passionné ! Portés par une jeunesse rebelle, Sylvie et Johnny liaient à jamais leurs destins. La France entière était leur témoin...

     

    Lundi 12 avril 1965. Les amis, la famille ont tenu secrète la date du mariage de Johnny et Sylvie. Un secret finalement éventé à quelques heures du grand rendez-vous... Le Journal du Dimanche de la veille en a fait sa une ! Du coup, ce matin, dès 9 heures, comme un essaim de guêpes, les curieux affluent aux portes de la propriété du couple, le manoir de Gagny, à Loconville dans le Vexin, à une trentaine de kilomètres de Paris.

    D'ailleurs, le village entier est pris d'assaut : 200 vélos et mobylettes emplissent un champ, tandis qu'un autre s'est transformé en parking à voitures. Armentières a même envoyé un car de 45 jeunes filles en fleur ! Une cinquantaine de gendarmes des villages environnants viennent d'être appelés à la rescousse tandis que 200 photographes se disputent âprement les meilleurs postes d'observation. Les uns ont payé les résidents des maisons entourant la mairie et l'église pour bénéficier de leurs fenêtres, les autres se sont perchés dans les arbres, sur les grilles, ont escaladé les gouttières. Un propriétaire a même été jusqu'à dépouiller son toit de quelques tuiles afin que les photographes puissent placer leurs objectifs !

    " Mon mariage avec Johnny, je l'avais rêvé confidentiel, intime... ", écrira Sylvie dans ses mémoires. Autant dire qu'elle a dû bien vite oublier son rêve pour faire face à des noces qui ont surtout eu l'air d'une foire d'empoigne... " Qu'est-ce qu'on est venu foutre là ! C'est impossible, rentrons ! On se mariera un autre jour ! " tempête Johnny à la vue de la foule compacte qui, telle une marée humaine, s'empare du village. Il rentre à peine de la caserne d'Offenburg où il doit encore effectuer deux mois de service militaire.

    Les fiancés se fraient un chemin jusqu'à la mairie et y parviennent à l'heure prévue, 10h30: Sylvie, ses 20 ans en écharpe, jolie comme un coeur sous son capuchon bouffant, dans une robe blanche en organdi signée Réal, un modèle Restauration qui aura nécessité 400 mètres de Valenciennes, et Johnny en jaquette noire et chemise blanche, cravate de soie crème et pantalon gris rayé. Dans la petite salle municipale se pressent les invités, les familles - à l'exception d'Huguette, la mère de Johnny - et bien sûr, les témoins, pour Sylvie le photographe Jean-Marie Périer et Luce Dijoux, sa meilleure amie, pour Johnny le chanteur Carlos et son impresario Johnny Stark.

    Quelques instants de silence, le " oui " timidement prononcé par Johnny et celui plus sonore de Sylvie, que déjà il faut retrouver le tumulte ambiant. Une bousculade inouïe accompagne l'entrée des époux dans l'église de Loconville.

    La jeunesse en délire piétine les tombes du petit cimetière, fracassant au passage pots de fleurs et ornements funéraires. Johnny doit protéger Sylvie, littéralement avalée par le tumulte; elle s'inquiète pour son père qui marche difficilement, pour sa grand-mère, et sa robe est même déchirée... Le capuchon de la mariée peine à dissimuler ses larmes. Il est 11h30 lorsqu'elle fait son entrée dans l'église au bras d'Eddy, son frère, après que son père n'eut pas réussi à se faufiler. Johnny, lui, ne compte plus les coups reçus dans les tibias, et il constate que ses souliers d'apparat sont couverts de boue... L'abbé Sironval, assisté du père jésuite Zupan, celui-là même qui baptisa Sylvie vingt ans plus tôt en Bulgarie, s'apprête à célébrer la cérémonie. La jeune femme passe l'anneau d'or à l'annulaire gauche de son rocker. Une larme perle sur sa joue... L'instant, mi-stress mi-bonheur, est immortalisé par un reporter de Paris Match juché en équilibre sur la statue d'un saint.

    Le consentement échangé, les voix de la chorale de Fleury s'élèvent, moment de grâce auquel succède aussitôt le chahut. Il est 12h20, il faut aux mariés vingt bonnes minutes pour quitter l'église et rejoindre enfin leur voiture. " Johnny a failli perdre son calme et Sylvie périr étouffée ! " confiera un journaliste de télévision. Dans l'intimité, enfin, les noces se poursuivront au manoir de Gagny autour d'un buffet dressé par l'hôtel Saint-Martin de Chaumont-en-Vexin: truites en gelée, foie gras, filets de boeuf forestière, jambon de pays en croûte, fruits et petits fours. Sans oublier le caviar choisi par le père de la mariée, une cuvée de champagne Mumm frappée à leurs deux noms, et la vodka importée de Bulgarie.

    Ce seront quinze années d'amour, un amour bordé de hauts et de bas... Et dire que la veille de son mariage, lors de sa dernière nuit de jeune fille passée à discuter avec Mercedes, l'une de ses meilleures amies, Sylvie avait confié: " Tout en Johnny me bouleverse... Mais c'est étrange, tu sais, je suis follement amoureuse, et pourtant je n'ai pas l'impression que je vais finir ma vie avec lui... "


    ____________________________Corval & David L-H


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