• Jean-François Michael c'est tout d'abord "Yves Roze", de son vrai nom ! Et c'est d'ailleurs sous ce nom qu'il commence à chanter en 1963 et gagne pendant 4 semaines le concours du "Jeu de la chance" à la même époque que Mireille Mathieu et Thierry Le Luron. Il interprétait déjà des chansons très jazzy, quand un directeur artistique lui dit, après l'avoir entendu chanter: "Avec la voix que tu as, tu ne vendras jamais un disque !" Pour gagner sa vie et rester dans la course il rentre chez BARCLAY en temps que Directeur Artistique il s'occupera de Pierre VASSILIU pour l'album «Amour Amitié», Michel DELPECH pour celui de  «Wight is Wight», et écrit pour Les POPPY’S  «Non je ne veux pas faire la guerre»..

    Alors que Paris est envahit par les manifestations, les grèves et les barricades, Yves Roze débute sa vrai carrière de chanteur sous le pseudonyme de "Jean-François Michael, " C'est sous la plume de Michel Berger que naît "Adieu Jolie Candy" et propose cette chanson à Yves Roze ! Pour l'anecdote, en recherchant un nom de scène, il lui est venu ses trois prénoms en tête presque instantanément. La consonnance allant de fait, il adoptera "Jean-François Michael" !

    Avec "Adieu jolie Candy", il atteind les sommets des hit-parades, redonnant à la France un peu de légèreté pendant ces évènements de Mai 68. Sentimental et passionné, JFM fait sa propre révolution, en chantant l'amour !

    1968 Adieu jolie candy devient un succès international.
    1969 Numéro 1 en Italie: "Fiori bianchi per te"
    Espagne et Amérique du sud "Adios Linda Candy
    Allemagne "Adieu susse Candy"
    Mais aussi, en Turquie, Moyen Orient, Canada... En tout plus de 5 millions de disques vendus !!!

    Jean-François se fait complice de toute une génération avec ses chansons romantiques. Il enchaîne succès après succès en conjugant l'amour à tous les temps !

    Il enregistre 3 albums entre 1968 et 1972. Il collectionne les DISQUES D’OR et ceux de PLATINE. Ce qui représente plusieurs millions de disques vendus partout dans le monde et dans plusieurs langues ! Mais au fait de sa gloire, une maladie grave lui fera abandonner sa carrière de chanteur. Il réapparait en 1975 pour consacrer son temps et son talent à la réalisation et à la production de disques ce qui lui permet de découvrir de nouveaux talents. Sa carrière de producteur égalera celle du chanteur ! Avec Francois Bernheim et jacqueline Néro il produit : RENAUD «Laisse Béton », William SHELLER «Rock and Roll Dollars », Louis CHEDID . Il produira entre autre STEPHANIE «Ouragan», Alain DELON «Victor HUGO» et le single «Comme au Cinéma», Bernard GIRAUDEAU «Pierre et le Loup» , Chantal GOYA le single «David Crockett», Jean – Jacques DEBOUT «Reviens», Guy MARDEL «Charlie Brown», Anthony DELON le single «Qu’elle Revienne», ANNABELLE le single  «Laurence D’Arabie», Sacha DISTEL «For Ever and Ever», Brigitte BARDOT «Tu veux ou tu veux pas», Georges GUETARY, Sylvie VARTAN, Alain BARRIERE , Linda DE SUZA, et bien d’autres encore dont Héléna ROSTROPOVICH, la fille du célèbre violoncelliste,FABRICE TIOZZO (paroles nues),JIN XING . Il décide de partir en U. R. S. S. juste avant la chute du mur de Berlin. Il redécouvre la scène et la chaleur que cela procure. Deux ans de préparation entre Paris et Moscou et Jean-François MICHAEL  revient accompagné de CECILIA. Les singles «De Soleil et de Glace» en France et «Les Fenêtres de Moscou» en U.R.S.S, sont de véritables succès. Ils décident de faire une pose le temps de s’installer sur la côte d’azur pour fonder une famille. Ce ne sera pas long...

    Jean-François MICHAEL conçoit le spectacle : Le J.F.M. BAND, retraçant les tubes des années 1968 à 2000 avec sa compagne Cécilia.
    Dans le cadre des années France-Chine au Casino de Paris du 13 au 18 janvier 2004, on lui demande de réaliser un album pour la grande danseuse contemporaine, JIN-XING. Il profite de la venue à Paris de cette dernière pour enregistrer un duo "Lily Shanghai" avec Alain Chamfort qui sortira en fin d’année.

    Il enregistre un nouvel album pour Sony Music, dans lequel se mélangent anciens succès, nouveaux titres et reprises. Cela lui redonne envie de réapparaitre vraiment ! En 2004,/2005 c'est le grand retour sur la scène de Olympia pour "La Rose d'Or " Il reprend alors la route, en France et en Belgique pour une série de concerts et se consacre à la préparation d'un DVD live . Puis il prépare un projet discographique sur les femmes en collaboration avec Jean Claude Vandamme, tourne un dvd live de tous ses succès , et reprend la route pour une longue tournée qui l’emmennera de l’ile de la réunion à l’ile Maurice. Puis Jean francois rejoint en mars 2008 la tournée age tendre et tete de bois , et un nouvel album en collaboration avec Didier Barbelivien. Depuis, son activité est riche et varié. On a pu le revoir en juillet 2010 se produire au parc de Mouscron, et ce n'est pas fini...

     

    ____________________________Corval


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  • De son vrai nom, Paul-Alain Leclerc, il voit le jour le 4 octobre 1947 près des Buttes-Chaumont à Paris, d'un père poitevin haut fonctionnaire à l'UNESCO et d'une mère guadeloupéenne.

    Malheureusement, dès l'âge d'un an, ses parents divorcent et lui font vivre une " double enfance "... Durant son adolescence, il rencontre deux personnes qui vont être déterminantes dans sa vie d'homme et d'artiste : Maurice Vallet dit Momo et Etienne Roda-Gil. Avec le premier, ils se rencontrent au lycée Lakanal à Sceaux alors que Paul-Alain commence à composer sur son piano. Quant au second, ils se croisent pour la première fois sur les bancs de la faculté de droit de la Sorbonne en 1966. Ils écriront leurs premières chansons ensemble. Après une audition réussie avec succès, le chanteur et compositeur prend le pseudo de Julien Clerc et signe son premier contrat chez Pathé-Marconi.

    Alors que les étudiants sont sur les barricades à lutter contre les forces de l'ordre, passe à la radio la chanson d'un tout jeune artiste où l'on peut entendre "J'abolirai l'ennui"... Cette chanson, c'est "La cavalerie". Premier titre de Julien Clerc composé par lui-même et écrit par Roda-Gil. A l'automne suivant, il propose une nouvelle chanson, cette fois écrite par Momo, "Ivanovitch", avant de partir en tournée avec Adamo et Paul Louka.

    En février 69, Julien monte pour la première fois sur les planches de l'Olympia en première partie de "Monsieur 100 000 volts", Gilbert Bécaud. Lors de ce passage, il se fait remarquer par les producteurs d'une comédie musicale, "Hair", qui lui proposent le rôle principal, celui de Claude. Il refuse d'abord cette offre, mais revient sur sa décision après avoir vu le spectacle à Londres.

    Ainsi, le théâtre de la porte Saint-Martin à Paris accueille pour la première fois cette comédie musicale révolutionnaire qui va faire couler beaucoup d'encre... La nudité des artistes en fin de spectacle, y compris celle de Julien, choque une partie du public, en particulier, les plus âgés. L'artiste y chante "Laissons entrer le soleil" ("Let the sun shine in"), adapté par Jacques Lanzmann, qui devient un véritable hymne pour les hippies.

    Grâce au spectacle, Julien rencontre France Gall (qui y assiste régulièrement) avec qui il vit une histoire d'amour et pour qui il écrira, plus tard, "Chasse-Neige". Au bout de huit mois, Julien Clerc quitte la troupe pour retrouver sa carrière solo et embarque le public vers "La Californie".

    Dès décembre 70, il remplit la salle de l'Olympia, cette fois en tête d'affiche. Tout s'enchaîne pour l'artiste. Les scènes, les succès, et les tubes: "Ce n'est rien" (1971), "Si on chantait", ou encore, "Le patineur" (1972).

    Il participe même à un téléfilm en tant qu'acteur, "Le temps d'un portrait".

    A noter qu'il en compose également la bande originale.

    En 1974, alors qu'il reçoit des mains de Françoise Hardy cinq disques d'or pour la totalité de ses ventes depuis 68, France Gall le quitte.

    Son nouvel opus, "Numéro 7" est l'album le plus triste et le plus sombre de toute la carrière de Julien. Pour la récupérer, il lui chantera "Souffrir pour toi n'est pas souffrir". En vain...

    En 1976, il rencontre Miou-Miou sur le tournage du film "D'amour et d'eau fraîche" dans lequel les deux artistes jouent. Une enfant naîtra de cette union, Jeanne.

    Il adoptera aussi officiellement Angèle, la fille née de l'union entre Miou-Miou et Patrick Dewaere.

    En 1978, sort le premier album à grand succès pour le mélodiste, "Jaloux" qui totalise plus de 400 000 ventes. Y cohabitent Maxime Le Forestier ("J'ai eu 30 ans"), Etienne Roda-Gil ("Jaloux", "Macumba"), Maurice Vallet ("Travailler c'est trop dur") et Jean-Loup Dabadie, qui a déjà écrit pour des artistes comme Michel Polnareff, qui va lui offrir la sublime "Ma préférence". Une des chansons marquantes dans la carrière de l'artiste.

    Après avoir participé, en 79, au succès de la comédie musicale de Philippe Chatel, "Emilie Jolie", Julien collabore avec Serge Gainsbourg.

    Tout d'abord, l'artiste se retrouve sans son complice Etienne Roda-Gil qui est "Jaloux" de la place des autres paroliers, puis, sans l'amour de Miou-Miou.

    En 1982, Julien quitte Pathé-Marconi pour rejoindre une nouvelle maison de disques qui est encore un tout petit label, Virgin France. C'est un nouveau départ pour l'homme et pour l'artiste. Le premier album publié sous la marque de Richard Branson est "Femmes, indiscrétion, blasphème". Le succès est toujours au rendez-vous. "Lily voulait aller danser", "Coeur de rockeur" (écrites par Luc Plamondon), "Femmes... Je vous aime" (par Jean-Loup Dabadie) sont des tubes. Aujourd'hui encore, ces chansons restent des titres incontournables de Julien Clerc. Par ailleurs, "Femmes... Je vous aime" sera reprise pour une publicité pour des serviettes hygiéniques... Julien n'apparaîtra que dans des pubs pour des voitures (Citroën en 84 puis Peugeot en 2004).

    Les succès s'accumulent pour l'artiste avec en 1984 l'album "Aime-moi" d'où sont extraits des tubes tels que "La fille aux bas-nylon", "Respire" ou encore "Melissa" qui marque l'entrée de David McNeil dans l'équipe de paroliers du compositeur. Le patron de Virgin qui croit au potentiel du jeune français l'exporte dans de nombreux pays (Etats-Unis, Allemagne, Pays-Bas, Japon, Espagne, Italie,...). Cette même année, il est le maître de cérémonie de la première cérémonie des Victoires de la musique et il épouse Virginie Couperie qui lui donnera deux enfants: Vanille née en 1985 et Barnabé en 1997. Après de nombreux concerts et albums (dont une rencontre avec Françoise Hardy qui lui offrira le magnifique "Fais-moi une place" avec la chanson du même titre), Julien retrouve son complice de toujours Etienne Roda-Gil en 1992 pour "Utile".

    Avec son album "Julien" de 97, il évite de justesse un procès pour parler des "seins de Sophie Marceau" (qui s'est essayée à la chanson sur des paroles de... Roda-Gil) dans le titre écrit par David McNeil, "Assez...Assez".

    La même année, il fête ses 50 ans sur scène et sur disque avec "4 octobre".

    L'artiste continue d'enchaîner les albums, les concerts et les collaborations. L'une des plus surprenantes (au départ...) est celle avec Carla Bruni (pas encore Sarkozy) pour le morceau "Si j'étais elle" (2000), tiré de l'album du même nom, réalisé par le frère de la chanteuse Assia. Cette collaboration sera le point de départ de la nouvelle carrière de l'ex-mannequin qui la mènera vers les studios, la scène puis... l'Elysée..

    En 2002, "Julien déménage dans Paris" en jouant sur plusieurs scènes de la capitale (Zénith, Casino, L'Européen, Bataclan). La même année, Juju cède les droits de son titre "Partir" à l'ONU dont il est nommé ambassadeur de bonne volonté en 2003. L'engagement est une des qualités de l'artiste que ce soit au sein des Restos du coeur, Ensemble contre le SIDA, la lutte contre le cancer, l'action contre les discriminations à l'emploi ou pour des actions plus ponctuelles comme le soutien à Ingrid Betancourt, pour les enfants d'Arménie ou chanteurs sans frontières...

    L'album "Double enfance" sorti en 2005 est un succès en atteignant la première place du Top (tout comme "Si j'étais elle"). Cependant, l'album est entaché par la disparition d'Etienne Roda-Gil qui lui laissera deux derniers titres dont le sublime "Donne-moi de tes nouvelles". De plus, les fils du parolier empêcheront, pendant un temps, la publication de ces deux titres sous prétexte que leur père ne les connaissait pas et interdiront à Julien d'assister aux obsèques de son complice.

    En 2007, l'artiste fête ses 60 ans sur la scène de l'Olympia, durant laquelle ses fans les plus fidèles lui feront de nombreuses surprises dont une mosaïque de photos d'une centaine d'entre eux formant le portrait de leur idole.

    Aujourd'hui, après de nouveau avoir été papa en 2008 d'un petit Léonard de sa nouvelle compagne, Hélène, l'artiste, dorénavant père et grand-père (d'un petit Jules, né en 2007), revient sur le devant de la scène.

    Son nouvel album, "Où s'en vont les avions ?", réalisé par Benjamin Biolay et Bénédicte Schmitt, sorti le 15 septembre 2008, porté par le titre "La jupe en laine" (après les bas-nylon...) est la rencontre entre de nouvelles et d'anciennes plumes de Julien Clerc: Carla Bruni, Gérard Manset, Gérard Duguet-Grasser, Maxime Le Forestier, David McNeil, Jean-loup Dabadie et Benjamin Biolay accompagnent le mélodiste dans l'album qui marque les 40 ans de sa si riche carrière.

    40 ans qu'il a également fêté sur la scène du Casino de Paris qui deviendra un magnifique live sous le titre "Tour 09". Un album réalisé lors du concert de 16 juillet 2009 au Festival des Nuits de Fourvière; également retransmis en direct et en 3 dimensions dans plusieurs salles de cinéma. Par ce fait, Julien Clerc est le premier artiste européen a s'être prêté à cette innovation technologique.

    Comble d'une riche carrière, Julien fait officiellement son entrée au musée Grévin, le 14 décembre 2009. Salut l'artiste !

     

    _________________________________Corval & Mickaël M.


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  • - " Mon rêve serait de mourir sur scène, exactement comme Molière... "

    ROGER PIERRE
    (30 août 1923 / 23 janvier 2010)
     
    Cette phrase c'est ce que Roger Pierre nous avait confié lors d'une rencontre en 2006 au Festival de télévision de Monte Carlo. Hélas, le destin, toujours aussi contrarié et contrariant en a décidé autrement.
    C'est le crabe qui l'a cloué sur un lit d'hôpital. C'est le cancer qui a eu le dernier mot, faisant définitivement taire cet amuseur public numéro 1, si cher à notre coeur.
    Jusqu'au bout, Roger Pierre aura lutté avec cette force de caractère, cette volonté de fer et surtout cet optimisme forcené qui lui ressemblaient tant. Mais à 86 ans, l'humoriste vient de nous offrir sa plus mauvaise blague. Un drôle de drame à l'image de sa vie tout aussi tragi-comique...
     
         Né le 30 août 1923 dans le 13è arrondissement de Paris, Roger Pierre est un descendant direct de Napoléon. Du côté du grand-père maternel, ils sont maraîchers et possèdent des champs d'oignons qui s'étendent jusqu'à la butte Montmartre. Des champs qui seront réquisitionnés par le gouvernement pour construire le Sacré-Coeur. Le petit Roger grandit entre Fernand, un papa tailleur, et Marthe, une maman couturière, ancienne première main chez Patou. Bref, maman coud et papa pique. Malgré la perte de sa main, arrachée par un obus, Fernand Pierre est même un excellent tailleur pour hommes, et remarquable horticulteur à ses heures perdues. La famille habite un 6è étage sous les toits, proche du Panthéon, avec fenêtres mansardées, pots de géraniums et cage à serin siffleur. Un petit bonheur tranquille qui vole en éclats l'année où Roger souffle ses dix bougies. Son père quitte brutalement le domicile conjugal pour aller vivre avec sa maîtresse, à Montgeron, près de Paris. Un vrai traumatisme dans la vie du petit garçon.
    " Toute mon enfance, j'ai vu ma mère pleurer et espérer en vain le retour de papa. Aussi, je me suis juré que jamais je ne ferais souffrir une femme comme ça. "
    Roger grandit avec l'absence si présente du père et le spleen si lourd de sa mère. Mère et fils désertent alors le Panthéon pour s'installer à Saint-Ouen, chez le papa de Marthe, modeste employé à la Banque de France.
         Tandis que Marthe demande le divorce et ouvre sa propre maison de couture, Fernand épouse sa maîtresse, change de nom et même de religion. Il devient protestant (comme sa nouvelle femme) et a un autre fils qui va alors complètement gommer l'existence de Roger. A peine le reçoit-il un mois par an, pendant les grandes vacances. Pourtant, en 1934, dans un concours d'horticulture, Fernand gagne le premier prix avec un dahlia rouge qu'il a tendrement prénommé... Roger Pierre ! Cela ne suffit pas à combler le fossé qui s'est définitivement créé entre le père et le fils. A 12 ans, Roger prend la décision de ne plus revoir son père. C'est par un notaire qu'il apprendra sa mort, en 1945. La disparition de ce père si absent sera un terrible coup dur pour Roger, qui a alors 22 ans. L'âge de toutes les audaces, de tous les courages. L'âge de courir les filles. Mais Roger a peur, tellement peur ! D'une timidité maladive, il n'ose les aborder. Surtout, il ne veut pas courir le risque de tomber amoureux, de souffrir ou de faire souffrir. Il ne veut pas non plus abandonner sa mère qu'il a vue si malheureuse pendant tant d'années. Cette mère courage qui a tout sacrifié pour éduquer son fils chéri qu'elle rêve désormais de voir rentrer à la Banque de France, prenant ainsi la suite de son grand-père et de son oncle.
        Mais Roger a d'autres ambitions: la scène pour oser toutes les scènes, pour tenter tous les possibles, être enfin cet autre qui ne lui ressemble pas du tout. Sa rencontre avec Jean-Marc Thibault sera déterminante. En lui, il trouve surtout le frère qu'il n'a jamais eu. Nés à six jours d'intervalle, le même mois et la même année, voilà deux êtres que tout oppose et pourtant si complémentaires. Car si Roger ne veut pas entendre parler d'amour, Jean-Marc, lui, est déjà marié et père de famille. Entre vie d'artiste et vie de famille, Roger a fait son choix ! Par fidélité pour sa mère, pas question de se faire passer la corde au cou ou la bague au doigt. Mais en 1965, Marthe ferme les yeux, laissant Roger plus seul et désemparé que jamais. Heureusement, c'est à cette époque qu'il fait la connaissance d'Ingrid, une jolie manucure scandinave dont il tombe fou amoureux. Cette fois, il se lance: à 44 ans, enfin, le voilà prêt à faire le grand saut. Un an plus tard, la naissance de son fils Jean-François est un immense bonheur dans la vie de l'artiste, enfin réconcilié avec l'amour. Roger va alors donner à Ingrid tout ce que sa mère Marthe n'a jamais eu. Et le petit Jean-François aura le plus merveilleux des pères à ses côtés. Pour couler des jours heureux, Roger achète une magnifique propriété à Ermenonville. Au milieu d'un océan de muguets, il goûte enfin une sérénité bien méritée : entouré de 80 perruches, de 9 poules et de 12 canards, Roger abuse de verdure, d'amour et d'oxygène. Il ne fume pas, ne boit pas et adore partir en thalasso. Le secret de sa bonne humeur ? La douceur d'Ingrid et le sourire de son fils Jean-François, devenu pianiste de jazz, dont il disait très fièrement: " Il réalise mon rêve de petit garçon, il est devenu gentleman farmer."
         Ces dernières années, Roger Pierre avait eu la tristesse de voir nombre de ses amis partir les uns après les autres: Darry Cowl, Raymond Devos. Lui-même rattrapé par la maladie, il avouait récemment: " Je sais que bientôt je rejoindrai maman au cimetière de Saint-Ouen. Ce jour là, je veux juste quelques fleurs, de préférence des roses et d'un montant inférieur à 80 euros... Le jour de mon enterrement, je ne veux personne et surtout pas un bouquet de fleurs qui oserait me voler la vedette..."
         Après avoir passé soixante ans de sa vie sur les planches, c'est un bien triste tomber de rideau pour l'artiste fantaisiste qu'il était. Ce virus du rire et de la comédie, il l'avait attrapé très jeune quand la guerre l'avait obligé à abandonner ses études de commerce pour se lancer dans la vie active. A 20 ans, il quitte Paris pour devenir éducateur. Au centre de Bazincourt, il s'occupe d'enfants devenus orphelins à cause des villes bombardées par les Allemands. Chaque jour, Roger s'emploie à aider ces enfants du malheur à retrouver la joie et surtout l'envie de vivre. " Chaque sourire arraché à ces gamins constituait la plus grande des victoires..."
         Une vocation est née ! Roger Pierre veut rire et faire rire, distraire et amuser. Face à tant de détresse, l'humour devient alors sa seule arme fatale.
         La guerre finie, Roger Pierre accumule les petits boulots: démarcheur en publicité, secrétaire dans une maison de disques et enfin speaker publicitaire à Radio Luxembourg. C'est là qu'il fait la connaissance en 1947 de Jean-Marc Thibault. Le coup de foudre ! Amical mais aussi professionnel. Jean-Marc et Roger vont s'unir pour le meilleur sans le pire, formant pendant vingt-huit ans un duo d'enfer ! Dès leur premier sketch, Cyrano de Bergerac à la manière de Marcel Pagnol, puis Cyrano de Bergerac à la manière de Peter Cheyney (le préféré du général de Gaulle), le succès est au rendez-vous. Du Caveau de la République en passant par le Don Camillo, les deux compères deviennent les rois de la scène, les princes du music-hall. Bobino les acclame et l'Olympia leur déroule son tapis rouge. Les deux fantaisistes font également les beaux soirs des cabarets parisiens comme Le Tabou, Le Caveau de la terreur, L'Amiral, le Moulin Rouge où leurs sketchs, en particuliers Le Tuyau de caoutchouc, font le bonheur du grand public. Roger écrit, et Jean-Marc met en scène. A eux deux, ils écriront quelque 3 000 sketchs, conjuguant textes, mimes et chansons et utilisant une multitude d'accessoires. Leur succès est tel qu'il les entraîne dans la France entière. Ensemble, ils réalisent également le film La Vie est belle en 1956. Leur entente est parfaite, aussi bien à la scène qu'à la ville. " Nous ne nous sommes disputés qu'une seule fois en 1952, à cause d'un sandwich ", avouera Roger. Dans les années 70, on les voit très souvent à la télévision dans les fameuses émissions de Maritie et Gilbert Carpentier. Eux-mêmes sont les créateurs d'émissions de variétés à succès, notamment La Grande Farandole et Deux sur la 2. Entre 1972 et 1975, ils installent leur réputation d'humoristes avec les fameuses séries historico-comiques Les Maudits Rois fainéants et Les Z'Heureux Rois z'Henri.
         Mais en 1975, la rupture est consommée ! Un divorce fait à l'amiable et d'un commun accord. Chacun, désormais, veut prendre son envol, asseoir son indépendance, gagner en autonomie. Pourtant Roger et Jean-Marc resteront toujours très proches, attentifs l'un à l'autre, nostalgiques de cette belle époque drôle et insouciante... A tel point qu'ils ne résisteront pas à de savoureuses retrouvailles: une première fois en 1984 pour le spectacle Nos premiers adieux au Théâtre Antoine, à Paris, puis une seconde fois à l'Olympia, en 1990.
         La carrière de Roger Pierre en solo sera aussi très importante, tant au théâtre, qu'au cinéma. Sur les planches, le comédien enchaîne les comédies de boulevard: Le Pirate, Mary Mary (1963), Qui est cette femme ? (1967), Voyez-vous ce que je vois ? en 1976 avec Jean Le Poulain au Théâtre de la Michodière, Santé publique durant trois saisons, entre 1972 et 1978. En 1979, il fait les beaux jours de la Comédie des Champs-Elysées avec Le tour du monde en 80 jours aux côtés de Daniel Ceccaldi et Jean-Pierre Darras. Suivent Le Légataire universel en 1980, Le Divan (1981/82), Monsieur Masure (1987), La Nuit de Barbizon (1994), Feu la mère de madame (1998) et La Soupière (2001).
         Au cinéma, sa première apparition date de 1946 avec le rôle épisodique d'un maquisard dans Le père tranquille. En 1952, il joue l'amoureux de Brigitte Bardot dans Le trou normand.
    " Nous avons recommencé la scène du baiser 27 fois car le metteur en scène disait qu'elle ne savait pas embrasser..."
         Un an plus tard, il retrouve B.B dans Le portrait de son père. Dès lors, il peut se targuer de jouer avec les plus belles: Jeanne Moreau dans M'sieur la Caille (1955), Line Renaud dans La Madelon (1955), Dany Robin dans Paris canaille (1956). En 1960, il donne la réplique à Louis de Funès dans Les Tortillards. En 1962, il y a l'inoubliable Tartarin de Tarascon, de Francis Blanche. Un an plus tard, il s'en donne à coeur joie dans Les Durs à cuire, avec Poiret et Serrault. Habitué des films comiques, il ose pourtant un registre différent dans Mon oncle d'Amérique, d'Alain Resnais en 1980. C'est avec ce même metteur en scène qu'il apparaîtra pour la dernière fois au cinéma en 2009 dans Les Herbes folles, qui était en compétition au Festival de Cannes.
         Avant que la maladie ne le rattrape, Roger Pierre continuait d'écumer les scènes de France avec ses " One-man seul ". Sur TF1, il aura été également chroniqueur dans l'émission Incroyable mais vrai. Entre deux bouquins de souvenirs et d'anecdotes, il banissait le mot retraite. Pilier incontournable des Grosses Têtes, il était aussi très fier de la Légion d'honneur qu'il avait reçue des mains de François Mitterand. Légion qu'il avait méritée en tant qu'artiste fantaisiste. C'est d'ailleurs l'image que Roger Pierre voulait que l'on garde de lui. Un peu trop réducteur à notre goût, car ce touche-à-tout doué pour le bonheur avait cette grande politesse de l'âme: celle de rire de tout, du pire comme du meilleur, et surtout de lui-même. Et parce que son coeur d'artiste n'était jamais de Pierre, le nôtre n'a pas fini de se languir de ses bons mots et autres jeux d'esprit.
     
     
    _____________________________________Corval & Stephanie L.
     


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  • Le Père Duval, né le 30 juin 1918 au Val d'Ajol (dans les Vosges), apparaît comme le précurseur d'un art populaire qui a pris l'initiative de chanter, accompagné de sa guitare, des airs de joie et de louange. Georges Brassens lui-même lui avait rendu un vif hommage. Il fréquenta quelques années l'école du Hariol puis l'école Saint Augustin à Plombières. A 12 ans, il entre au Collège des Pères Jésuites de Florennes en Belgique, et tout en poursuivant ses classes secondaires, il étudie la philosophie, l'horlogerie, l'astronomie, la musique, le chant, le piano et compose sa première chanson.

    En 1936, il frappe à la porte du Noviciat des jésuites. Il est ordonné prêtre le 24 juillet 1949 et sa première tâche consiste à diriger la chorale d'une école de Reims où il est professeur de français. 

    En 1953, le Père se consacre plus exclusivement à la musique et à ses chansons. Et c'est le début de ses tournées en France, en Europe, en Amérique. Ses chansons connaissent rapidement un grand succès et, dès 1955 dans ses concerts à Lorient, St-Nazaire, Angers comme dans ses récitals à Paris, à Bruxelles, la Haye.. Londres, (18 000 auditeurs), Madrid, Montréal, Lisbonne, Berlin, Chicago, Rio de Janeiro, etc... Il enregistre dans la foulée son premier disque en 1956 (vendu à 45000 exemplaires en trois semaines). En 1961, il a vendu plus d’un million de disques.

    Le Père conquiert un public international. 45 Pays pour plus de 3000 concerts. Gaumont Palace en 1956 devant 5600 personnes - Palais de Chaillot 8 octobre 1961 - L'Olympia 13,14,15 janvier 1964 et en 1972 - Salle Poirel 24 février 1972.

    En 1965, Aimé Duval est le premier prêtre autorisé à monter sur scène au-delà du rideau de fer : il chante gratuitement à Varsovie.

    Il a enregistré 14 disques et parle 9 langues, il chante dans la plupart de ces langues. L’académie Charles Cros lui rendra hommage en lui décernant un grand prix du disque après sa mort.

    Dans les années 1980, il écrit son livre sorti en décembre 1983 "L'enfant qui jouait avec la Lune" dans lequel il se raconte. De sa vie, ses tournées en concert, ses débuts, jusqu'à sa maladie alcoolique et comment il s'en est sorti. En janvier 1984 il confiait à un journaliste " Ce qui m’a fait boire, c’est la fricaillerie, les cons, les décorés, c’est mon inadaptation congénitale à la saloperie du monde. Je voulais sauver le monde et j’ai sombré dans l’alcool ".

    Décédé le 30 avril 1984, ses obsèques eurent lieu le 3 mai en la basilique Saint Epvre à Nancy.

     

    _______________Corval avec l'aimable autorisation de son neveu Pierre-Aimé


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  • Toujours bronzé, le sourire étincelant, Sacha Distel souffre auprès de certains d’une image de chanteur pour maisons de retraite et de séducteur quelque peu ringard. C’est méconnaître la richesse d’une carrière musicale qui ne se limite pas aux « scoubidou-bidous » et qui va bien au-delà du charmeur de rombières. Chanteur, jazzman, homme de télévision, compositeur, Sacha Distel était un showman à l’américaine superbement rodé ; peut-être, justement, trop bien rodé pour la France.

    Né le 29 janvier 1933 à Paris, Sacha Alexandre Distel est le fils de Leonid Distel, un ingénieur chimiste russe émigré, et d’une pianiste, ancienne lauréate du Conservatoire. C’est grâce à sa mère et, surtout, son oncle maternel, que Sacha découvre le monde du spectacle : le frère de Madame Distel n’est autre que Ray Ventura, dont la troupe des Collégiens a fait la gloire du music-hall français. Ray Ventura a pour son neveu une affection toute paternelle et l’emmène dès qu’il peut au spectacle. Petit, Sacha Distel hante les coulisses des salles de spectacle et assiste avec délectation aux répétitions des Collégiens. La Seconde Guerre Mondiale donne un coup d’arrêt brutal à cette enfance de groupie musical : Ray Ventura, qui est juif, se réfugie en Amérique du Sud tandis que sa sœur, mère de Sacha, est arrêtée en 1942 par les Allemands. Durant deux ans, Sacha Distel est séparé de sa mère, qu’il retrouve heureusement à la Libération. Après 1945, la France connaît un intense renouveau musical, swing et jazz tenant le haut du pavé. Sacha profite à plein de ce printemps jazzy ; il donne par ailleurs désormais un coup de main à son oncle, qui lui confie une tâche bien précise : aller réveiller l’un de ses musiciens, régulièrement assommé par ses nuits de fêtard, et le conduire au studio où l’orchestre de Ventura tourne un film. Durant un mois, le lycéen va réveiller un certain Henri Salvador, qui habite dans la même rue que lui, et l’accompagne au studio sur le siège arrière de sa motocyclette. Intrigué par la guitare d'Henri Salvador, Sacha Distel lui demande de lui apprendre des accords. Conquis, l’adolescent continue de pratiquer la musique, en s’orientant plus particulièrement vers le jazz, après la révélation, en 1948, du premier concert de Dizzy Gillespie à Paris ; la mode jazzy bat son plein dans le Paris de l’après-guerre et Sacha Distel, jouant dans un orchestre de son lycée, devient rapidement un guitariste de jazz accompli. En 1951, il est sacré meilleur guitariste amateur. Il joue ensuite dans l’orchestre d’Hubert Damisch, s’orientant vers une carrière de professionnel. En 1952, Ray Ventura l’aide à décrocher un stage dans l’édition musicale à New York, ce qui lui permet entre autres de fréquenter les clubs de jazz de la Grosse Pomme, ainsi que de rencontrer des vedettes du jazz comme Stan Getz et Jimmy Raney, qui lui prodiguent des encouragements. Le jeune homme découvre également le répertoire des chanteurs de charme américains, comme Frank Sinatra, Nat King Cole et Tony Bennett : déjà musicien de grand talent, il se met à rêver en outre d’un destin de chanteur.
    Revenu à Paris, Sacha Distel mène une double carrière d’éditeur musical (chez DMF, où il édite notamment Georges Brassens) et de guitariste de jazz, enchaînant les bœufs dans les clubs parisiens. Sacha Distel se produit également comme accompagnateur de Juliette Gréco. Il multiplie les concerts avec les musiciens américains de passage, pour qui il est désormais un confrère reconnu. Au milieu des années 1950, Sacha Distel est devenu incontournable dans le milieu jazz français : il enregistre avec Lionel Hampton l’album French New Sound et participe au disque Afternoon in Paris de John Lewis et son Modern Jazz Quartet. Il participe au quintette Bobby Jaspar All Stars, qui devient le principal orchestre de jazz de Paris et passe à l’Olympia. Sa carrière brièvement interrompue par un séjour sous les drapeaux, Sacha Distel se produit à l’international, dans des clubs en Allemagne ou aux Etats-Unis. En 1956, il se voit décerner par les lecteurs du magazine Jazz Hot le titre de meilleur guitariste de jazz français, titre qu’il conserve sept ans de suite. À la fin de la décennie, il connaît une liaison avec Brigitte Bardot, ce qui lui vaut l’attention des gazettes de stars et un important surcroît de notoriété.
    Mais Sacha Distel souhaite passer à la vitesse supérieure, le jazz ne nourrissant pas toujours son homme. Il a découvert d’autres milieux sociaux et artistiques de celui des clubs de Saint-Germain-des-Prés. Toujours fan de Frank Sinatra et se souvenant du conseil de Louis Armstrong qui estimait que pour réussir dans le jazz, il fallait chanter, Sacha Distel voudrait passer à la chanson afin de se consacrer à plein temps à sa carrière musicale. Courant 1957, il enregistre un premier 45-tours « Tout bas (Speak Low) », suivi de l'album Sacha Distel Chante, qui ne remportent pas de succès. C’est en décembre 1958 que le déclic se produit : devant donner à Alger un concert avec son orchestre, Sacha Distel décide de boucher un trou dans le spectacle en interprétant une chanson, lointainement inspirée d’un titre de Nancy Holloway. C’est le triomphe du titre « Scoubidou (Pommes et poires) », aux forts accents jazzy, qui permet au public français de découvrir la chaude voix d’or de Sacha Distel, chanteur de charme non dépourvu d’humour. Le texte, qui raconte avec ironie l’histoire d’un garçon plaqué sans ménagement par une chipie, aurait été inspiré à Distel par sa rupture avec Brigitte Bardot. Le succès de la chanson, notamment auprès des jeunes, est tel qu’il donne son nom au fameux objet en plastique tressé fabriqué par les écoliers. Consécration internationale, le « French Frank Sinatra » est l’invité de l’émission de télévision présentée par Ed Sullivan aux Etats-Unis. Désormais lancé comme chanteur, Sacha Distel enchaîne les disques, donnant dans la variété grand public et remportant de beaux succès commerciaux, comme « Oh ! quelle nuit » (1959) et « Mon Beau Chapeau » (1960). Séduisant et cinégénique, le crooner devient au début des années 1960 animateur de télévision, prenant les rênes de l’émission Guitares et copains, qui devient rapidement Sacha Show, produite par Maritie et Gilbert Carpentier et conçue comme une émission « à l’américaine », avec sketches et chansons. Parmi les participants réguliers à l’émission, on peut noter Jean-Pierre Cassel, Jean Yanne, Francis Blanche et Pétula Clark. Le show compte de nombreux duos inédits, écrits pour la plupart par Serge Gainsbourg. Chanteur vedette, Sacha Distel prend l’allure d’un Monsieur Loyal du show-biz, parrain et découvreur de talents (il fait notamment débuter Mireille Mathieu en 1965). En 1964, il enregistre « La belle vie », qui devient l’un de ses principaux standards et est bientôt repris en anglais (sous le titre « The Good Life ») par Tony Bennett et, bonheur suprême, Frank Sinatra en personne. La mode yé-yé passée, Sacha Distel s’oriente de plus en plus vers un registre de crooner, mêlant le « rutilant » à l’anglo-saxonne à l’héritage d’artistes français comme Maurice Chevalier ou Jean Sablon. Il n’en oublie pas pour autant ses racines musicales et fait, dès que possible, travailler en studio ses copains jazzmen, dont certains sont restés assez nécessiteux. Ayant profité des leçons de Ray Ventura et Paul Misraki, il s’affirme également comme un auteur-compositeur de talent, écrivant à l’occasion la musique de quelques films. Presque incontournable dans le paysage audiovisuel français, Sacha Distel se livre à quelques prestations assez succulentes, comme un ineffable trio avec Serge Gainsbourg et Brigitte Bardot, sur l’air de « La bise aux hippies », lors du show du Réveillon 1967.
    Au tournant des années 1970, un nouvel horizon s’ouvre pour Sacha Distel : une chanson en anglais, « Raindrops Keep Fallin’ On My Head » (existant en version française, sous le titre « Toute la pluie tombe sur moi ») est numéro un des ventes de disques en Grande-Bretagne pour l’année 1971. « Sacha Sunny Voice », comme le surnomment les Anglais, passe en vedette dans des salles comme le London Palladium et chante devant la Reine Elizabeth II. Son anglais parfait lui permet d’animer des émissions de télévision en Angleterre. Dans le même temps, sa carrière en France bat quelque peu de l’aile : l’arrêt en 1972 de l’émission Sacha Show lui fait perdre beaucoup de sa visibilité médiatique et son style de chanteur de charme excessivement lisse et rutilant a moins la faveur du public hexagonal. S’il signe encore des succès au hit-parade français Accroche un ruban » ou « Le Soleil de ma vie », adaptation de Stevie Wonder chantée en duo avec Brigitte Bardot en 1973), les années 1970 de Sacha Distel sont en grande partie anglo-saxonnes : outre la Grande-Bretagne, le « French Lover » se produit également aux Etats-Unis. En 1983, Sacha Distel se rappelle au bon souvenir des Français avec l’album My Guitar And All That Jazz, où il rend notamment hommage à Django Reinhardt. Toujours séduisant à cinquante ans passés, Sacha Distel est également redécouvert par la télévision française, ce qui lui vaut d’animer l’émission La Belle Vie. Mais son come-back français est assombri par une pénible histoire : le 28 avril 1985, au retour du plateau de l’émission de télévision Champs-Elysées, sa voiture subit un grave accident. Si Sacha Distel s’en sort avec plus de peur que de mal, sa passagère, l’actrice Chantal Nobel, vedette du feuilleton à succès Châteauvallon, est très grièvement blessée et demeurera handicapée à vie. Des rumeurs graveleuses circulent assez rapidement sur les circonstances de l’accident ; le chanteur n’a de toute manière pas le beau rôle, se voyant accusé au minimum d’être un conducteur très imprudent. Il sera finalement condamné à une peine de prison avec sursis pour blessures involontaires.
    Sa carrière à nouveau ralentie par cet épisode dramatique, Sacha Distel revient en 1991 avec un album-anthologie de chansons d’amour, Dédicaces. Si sa santé commence à lui causer des soucis (il doit être traité pour un cancer de la peau) le chanteur se montre très actif, et réalise un vieux rêve en formant un orchestre en hommage à celui de Ray Ventura. « Sacha Distel et ses Collégiens » enregistrent les plus grands succès des collégiens d’antan - lesdits « Collégiens » étant des amis du chanteur, tels que Salvatore Adamo, Jean-Pierre Foucault, Sim, Michel Fugain, Henri Salvador ou Jean-Pierre Cassel. Ne tournant pas le dos aux scènes anglo-saxonnes, il remporte un triomphe à Londres en 2001, en interprétant le rôle principal masculin de la comédie musicale Chicago. En 2003, Sacha Distel revient à nouveau, avec un double album, En Vers et Contre Vous (partie française) et But Beautiful (partie anglaise) : le premier CD est composé de reprises de grands standards du music-hall américain (dont un duo avec Liza Minnelli, « All The Way ») et le second est constitué de nouvelles chansons, qui lui valent la même année le Prix compositeur-interprète décerné par la SACEM. Ce sera le dernier sursaut de Sacha Distel : moins d’un an plus tard, le 22 juillet 2004, il meurt à l’âge de 71 ans dans les environs de Saint-Tropez. Trois mois plus tôt, il était remonté sur scène une dernière fois, pour un bœuf avec le jazzman manouche Bireli Lagrène. Les médias s’étendent alors sur la carrière paradoxale d’un jazzman très pointu et passionné, devenu ensuite crooner kitsch : sans doute était-ce là faire peu de cas de la richesse d’une carrière couvrant plusieurs décennies. Sacha Distel a vendu plus de dix millions de disques, collectionné les disques d’or, et conservé tout au long de sa carrière un sourire impeccablement professionnel : on pourra émettre tous les jugements sur ses changements de répertoire, mais pas lui nier d’avoir su garder la classe des grands du swing.

     


    ______________________________________Corval & N. Malliarakis


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